Le beau fixe

« Le temps n’est pas au beau fixe pour la création artistique dite «occidentale». Forcée par le cours de l’histoire à abandonner peu à peu ses vieilles visées universalistes, elle ne cesse pas de devoir réduire son angle de tir, jusqu’à pointer bientôt sa lunette sur ses propres pieds… et encore, sont-ils vraiment propres? Rien n’est moins sûr.

(image : Jean Michel Bruyère)
(image : Jean Michel Bruyère)

La création artistique dite «occidentale» est chargée, par les pouvoirs qui lui commandent (la nouvelle aristocratie blanche, ses institutions, ses fondations…), de masquer la constante aggravation des disparités socio-économiques en bâtissant la mascarade d’une « démocratisation de la culture». Il s’agit d’exalter jusqu’à l’hystérie l’idée d’une camaraderie horizontale (B. Anderson) afin de distraire les esprits des différences verticales telles qu’elles sont devenues monstrueuses.

(image : Jean Michel Bruyère)
(image : Jean Michel Bruyère)

Mais ce faisant, la création artistique dite «occidentale» se trouve rapidement conduite aux limites d’une activité «néo-colonialiste intérieure» (Stokely Carmichael), du fait de la forte racialisation des (non)relations sociales d’une population urbaine européenne désormais pluriethnique et ségréguée, séparée par des frontières urbaines quasiment imperméables (la gentrification, le périurbain, le ghetto…) et dont les groupes sont composés et ordonnés en conséquences de l’ancienne histoire coloniale et de ses jeux de mépris interracial.

La direction à suivre semblant ainsi un peu brouillée, il est toujours permis de s’asseoir et d’en parler. »

(image : Jean Michel Bruyère)
(image : Jean Michel Bruyère)

Le workshop

Pendant trois semaines, un groupe constitué de 12 artistes maximum abordera et débattra des sujets proposés par Jean Michel Bruyère et Jean-Paul Curnier (philosophe, écrivain, éditeur). Il sera question d’esthétique, de politique et de philosophie.

Tout au long de ces échanges, les notions de ville-à-trois-vitesses, de ghetto urbain, de pluriethnicité, de racisme et de racialisation, de relégation, d’iniquité et de répression seront convoquées au changement radical des idées reçues et rebattues en matière d’art et de culture.

Le résultat de ces débats sera visible pour le public par une installation qui sera créée parallèlement ainsi que par des actions ponctuelles et ciblées dans la ville.

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Jean Michel Bruyère est écrivain, réalisateur, plasticien, photographe, metteur en scène et graphiste. Il dirige le groupe d'interventions artistiques internationales LFKs, regroupant des intellectuels et des artistes de différentes nationalités et disciplines.

LFKs conçoit des espaces de création multidisciplinaires qui visent à interroger le monde contemporain et son idéologie dominante. Ce sont des « salons d'étrangeté », des « chambres à pensées », des « chapelles sans dévotion ni peine », où les visiteurs font l'expérience d'états de corps et de conscience singuliers, comme enveloppés, immergés dans un univers qui les pénètre. Le principe pourrait en être ainsi décrit : on parcourt, on regarde, on écoute, on assiste à une représentation de ce théâtre politique en action et on ressort différent, transformé par une question qui se pose désormais.

Atelier animé par: Thierry ARREDONDO, Goo BÂ, Martine BRUNOTT, Jean Michel BRUYÈRE, Jean-Paul CURNIER, Nadine FEBVRE, Delphine VARAS, artistes membres du collectif LFKs